Un bateau, pas un bâtiment flottant :

La première idée portée par Jorge Carmo et James Vitrac est de construire des bureaux sur une barge. Ce sont les premiers bureaux flottants en France.

La société Carmo est portugaise et travaille historiquement dans la confection de piquets de vigne dans la région de Porto. Elle étend son activité à la construction bois aujourd’hui. La proximité de la cité du vin est donc naturellement une des motivations pour implanter ces bureaux aux bassins à flot.

Le maître d’ouvrage est à la fois client, entreprise bois et bureau d’étude structure. L’orchestration, habituellement propre à l’architecte, doit ici être adoptée par l’entreprise qui doit penser en même temps usage, économie, structure et technique.

Dans le cadre des ateliers urbains des Bassins à flots, Nicolas Michelin accentue sur l’aspect portuaire de la construction. Il ne s’agit pas d’une construction sur l’eau ; il s’agit d’un bateau qui accueille un activité de bureau. Aussi notre approche, à l’instar des décors de Wes Anderson pour « La vie Aquatique », se fait par la coupe et la maquette. Le projet reprend les termes maritimes ; la proue, la poupe, la vigie, le franc bord…

Le naufrage et la renaissance :

Le 21 Décembre 2019, les vents à 115km/h de la tempête Fabien couchent le bateau qui s’enfonce dans les bassins à flots. Il faudra 2 ans pour le sortir de la vase du fond du bassin. Les plongeurs de la société IBAIA Export de Briscous tentent en vain pendant 4 mois de renflouer le navire. Des scaphandriers tentent de colmater les voies d’eau, d’évacuer l’eau par soufflage, de basculer le bateau gràace à des bouées…rien n’y fait.

Il sera finalement mâché dans l’eau avec une pince de manière à l’alléger et ainsi sauver la barge.

C’est début 2022 que les travaux reprennent grâce aux efforts constants et à la confiance de Custodio Ximenes. Cela démarre par l’analyse méthodique de la barge, soudures par soudures. Puis la superstructure faite de portiques en lamellé-collé a redonné un squelette et un volume au bateau. Le chantier est finalement livré en Juin 2022. 

Rencontre du biosourcé et du géosourcé :

Cette construction singulière dont la structure mesure 10 m de large sur 30 m de long s’inscrit dans les problématiques liées aux Bassins à flot. Celle-ci fait la part belle aux économies d’énergie, alliant inertie du sol en béton, murs en terre crue et panneaux solaires (charpentes en pin sylvestre, murs en briques de terre crue, système de refroidissement par la fraîcheur de l’eau comptent parmi les réalisations remarquées).

La peau de ce « bâtiment-bateau » se dessine par un bardage en piquets de vignes usagés, offrant ainsi une seconde vie à ce matériau et permettant de faire un pont direct entre les « deux métiers » de Carmo Wood. Le bateau totalement conçu un ossature bois est auto-suffisant en énergie grâce à une importante inertie offerte par les murs en terre crue. L’apport électrique est réalisé par des panneaux solaires.

C’est pour l’agence, une expérience au long cours, très forte en apprentissage et en émotions.

Photographies : Alexandre Dupeyron